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HOMÈRE.

Ce mètre merveilleux, à la fois un et multiple, grave et léger, lent et rapide, majestueux et familier, cet instrument aux sons variés, Homère l’avait reçu tout fait des aèdes, et déjà perfectionné par un long usage. Grâce à Dieu, il n’a point eu à s’user dans le labeur ingrat des tâtonnements de versification, comme Ennius chez les Latins, ou comme Lucrèce même. L’harmonie d’Homère est vivante et expressive, inséparable du sentiment qui anime le poëte, de la pensée qui l’éclaire, de l’image qui brille à ses yeux ; égale à l’objet qu’il peint, au fait qu’il raconte, au mouvement dont il veut donner l’idée.


Transmission des épopées homériques.


Les rhapsodes furent, pendant des siècles, les usufruitiers uniques, ou à peu près, du trésor que leur avait laissé Homère. La copie des poëmes homériques faite, dit-on, par Lycurgue, ou n’était pas complète ou ne fut jamais bien connue dans la Grèce continentale ; car ce n’est qu’au temps de Solon et de Pisistrate qu’il fut donné au vulgaire de lire dans leur entier l’Iliade et l’Odyssée. Ceux qui se nommaient les Homérides vivaient de la récitation des vers d’Homère ; il était de leur intérêt de se maintenir, avec une obstination, jalouse, en possession de ce fond inépuisable, et de ne livrer que des fragments à la curiosité enthousiaste et à la mémoire des auditeurs. C’était s’assurer un long règne, un privilège presque sans fin. Solon, qui avait voyagé en Ionie, et dont l’esprit sagace avait su apercevoir les concordances de tous ces chants qu’il entendait, ou dont il lisait les copies, prescrivit aux rhapsodes qui figuraient à la fête des grandes Panathénées de suivre, dans la récitation des chants homériques, un certain ordre qu’il avait déterminé, et conforme, selon lui, au plan, à la pensée d’Homère. C’est là du moins la tradition la plus accréditée. Suivant une autre tradition, le règlement des Panathénées fut l’œuvre d’Hipparque, le fils de Pisistrate. Pisistrate surtout passe pour avoir bien mérité d’Homère. Il fit faire, dit-on, un manuscrit complet de l’Iliade et de l’Odyssée. Les manuscrits partiels furent mis à con-