Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
CHAPITRE IV.

tribution ; tous les rhapsodes furent invités à fournir leur contingent oral ; et une critique savante fit le triage des scories et du métal de mauvais aloi pêle-mêle apporté avec l’or du poëte. « C’est moi, dit Pisistrate dans une épigramme où on le fait parler, c’est moi qui ai rassemblé les chants d’Homère, auparavant çà et là disséminés. » L’antiquité tout entière lui rend ce glorieux témoignage. Grâce à lui on cessa de gémir sur ce désordre et cette confusion où gisaient les rhapsodies colportées dans toute la Grèce par ceux qui avaient dispersé en lambeaux, comme dit un ancien, le corps sacré d’Homère.

Les diorthuntes, ou correcteurs, qui avaient exécuté sous la direction de Pisistrate cet immense et magnifique travail, ne laissèrent qu’à glaner à ceux qui essayèrent, après eux, des récensions nouvelles du texte des poésies homériques. Les diorthuntes des villes, par exemple, c’est-à-dire les critiques à qui on devait les fameuses éditions de Marseille, de Sinope, de Chios, d’Argos, de Chypre, de Crète, semblent s’être bornés à un travail des plus simples. Tout leur effort se concentrait sur quelques détails : ils retranchaient certains vers suspects d’interpolation ; ils en ajoutaient d’autres, rejetés jadis pour des raisons qui ne leur semblaient point assez plausibles, ou tirés par eux de quelque manuscrit ancien, de quelque source négligée ou inconnue auparavant ; ils changeaient de place un vers ou deux, sous prétexte de clarté ou de convenance ; ils modifiaient l’orthographe de tel ou tel mot, réunissaient ou séparaient telles ou telles syllabes, préféraient telle ou telle leçon à telle autre. Mais ces changements n’eurent jamais rien de radical : ces rectifications verbales, ces interversions, ces additions et ces suppressions n’allaient jamais jusqu’à une refonte du texte, et n’en affectaient que les parties les plus extérieures et les moins vitales. La fameuse diorthose qu’Aristote avait faite pour Alexandre, cette édition de la cassette, que le conquérant portait partout avec lui, n’était elle-même qu’une copie plus ou moins émendée du manuscrit de Pisistrate. Ce qui est certain, c’est que les citations de l’Iliade et de l’Odyssée qui se rencontrent dans les auteurs du Ve et du IVe siècle avant notre ère, sont conformes, sauf de