Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/12

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dernières volontés, et qui nous a permis de le prendre à témoin de la fidélité du récit qu’on va lire[1].

Nous commençons ce récit où Duclos a laissé le sien, c’est à-dire à l’époque où, son honnêteté naturelle l’emportant sur l’ardeur de ses sens, il s’éloigna sans retour de certains personnages encore moins délicats sur l’article des devoirs que sur celui des plaisirs, pour se procurer des sociétés et des jouissances plus choisies. Son goût pour la littérature, entretenu jusque-là par des lectures assez suivies, lui fit rechercher la fréquentation des beaux-esprits et des savans qui brilloient alors, tels que La Motte, Saurin, Maupertuis, Fréret, Terrasson, Du Marsais, Boindin, La Faye et autres. Mais il ne les voyoit guère que dans les lieux publics et notamment dans deux cafés célèbres entre lesquels ils se partageoient. Il se lia plus étroitement avec quelques jeunes gens, de familles nobles, amis des lettres qu’ils n’osoient cultiver ouvertement, mais partisans très-déclarés du plaisir. Telle étoit la société de MM. de Maurepas, de Pont-de-Veyle, de Caylus, de Surgères, de Voisenon, etc. Ces messieurs avoient admis à leurs réunions un petit nombre d’autres jeunes gens, de familles bourgeoises, qui devoient un jour figurer plus ou moins honorablement dans la littérature, et parmi lesquels on distinguoit alors, à cause de leur gaîté, Collé et Crébillon fils. On faisoit des couplets qui couroient la ville ; des parades qui se jouoient dans les sallons et quelquefois même en plein vent ; enfin de petits écrits en prose, presque toujours plus libres que plaisans, dont on donnoit la collection au public. Le Recueil de ces Messieurs est un des ouvrages de cette société, qui en a composé beaucoup d’autres du même genre. Ce Recueil est terminé par une critique des différens opuscules qu’il renferme, et cette critique est attribuée à Duclos, dont on y reconnoît tout à fait la tournure d’idées et d’expressions. Sans vouloir lui faire un honneur dont il peut très-bien se passer, nous dirons que ce morceau

  1. Cet ami intime de Duclos est M. Abeille, autrefois inspecteur général des manufactures de France, maintenant membre du conseil général de commerce établi près du ministère de l’intérieur. Il est auteur d’un grand nombre d’écrits sur l’administration commerciale, qui, composés d’après la demande des ministres, sont restés ensevelis dans leurs archives. Il n’a manqué à M. Abeille, pour avoir une grande fortune et une grande réputation, que moins de désintéressement et de modestie.