Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/174

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presque tout à ceux dont on craint le ressentiment, sur-tout si l’on peut cacher cette crainte sous le masque de la prévenance. Mais, si l’on ne peut pas dissimuler son vrai motif, on prend facilement son parti. Il semble qu’on lise dans le cœur des hommes qu’ils approuveront intérieurement la conduite qu’ils auroient eux-mêmes.

La crainte qu’on dissimule le moins, est celle qu’inspirent certaines gens à la cour, dont on méprise l’état, mais que l’intimité domestique ou des circonstances peuvent rendre dangereux. On a pour eux des ménagemens qui donnent à la crainte un air de prudence ; c’est pourquoi on n’en rougit point, parce qu’il semble que le caractère ne sauroit être avili de ce qui fait honneur à l’esprit. Les sollicitations, les simples recommandations de ces sortes de gens l’emportent souvent sur celles des plus grands seigneurs, et toujours sur celles des amis, sur-tout s’ils sont anciens ; car les nouveaux ont plus d’avantages. On fait tout pour ceux qu’on veut gagner ou achever d’engager, et rien pour ceux dont on est sûr. Le privilége d’un ancien ami n’est guère que d’être refusé de préférence, et obligé d’approuver le refus, trop heureux si, par un excès de confiance, on lui fait part des motifs.

Tant de circonstances concourent et se croi-