Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/179

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égards sans contrainte, et sur-tout le cœur porté à la bienfaisance ; ainsi l’homme sociable est le citoyen par excellence.

L’homme aimable, du moins celui à qui l’on donne aujourd’hui ce titre, est fort indifférent sur le bien public : ardent à plaire à toutes les sociétés où son goût et le hasard le jettent, et prêt à en sacrifier chaque particulier, il n’aime personne, n’est aimé de qui que ce soit, plaît à tous, et souvent est méprisé et recherché par les mêmes gens.

Par un contraste assez bizarre, toujours occupé des autres, il n’est satisfait que de lui, et n’attend son bonheur que de leur opinion, sans songer précisément à leur estime qu’il suppose apparemment, ou dont il ignore la nature. Le désir immodéré d’amuser, l’engage à immoler l’absent qu’il estime le plus à la malignité de ceux dont il fait le moins de cas, mais qui l’écoutent. Aussi frivole que dangereux, il met presque de bonne foi la médisance et la calomnie au rang des amusemens, sans soupçonner qu’elles aient d’autres effets ; et, ce qu’il y a d’heureux et de plus honteux dans les mœurs, le jugement qu’il en porte se trouve quelquefois juste.

Les liaisons particulières de l’homme sociable l’attachent de plus en plus à l’état, à ses concitoyens ; celles de l’homme aimable ne font que