Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/180

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l’écarter des devoirs essentiels. L’homme sociable inspire le désir de vivre avec lui ; on n’aime qu’à rencontrer l’homme aimable. Tel est enfin dans ce caractère l’assemblage de vices, de frivolités et d’inconvéniens, que l’homme aimable est souvent l’homme le moins digne d’être aimé.

Cependant l’ambition de parvenir à cette réputation devient de jour en jour une espèce de maladie épidémique : eh ! comment ne seroit-on pas flatté d’un titre qui éclipse la vertu et fait pardonner le vice ! Qu’un homme soit déshonoré au point qu’on en fasse des reproches à ceux qui vivent avec lui, ils conviennent de tout ; ce n’est pas en essayant de le justifier qu’ils se défendent eux-mêmes. Tout cela est vrai, vous dit-on ; mais il est fort aimable. Il faut que cette raison soit bonne, ou bien généralement admise ; car on n’y réplique pas. L’homme le plus dangereux dans nos mœurs, est celui qui est vicieux avec de la gaîté et des grâces ; il n’y a rien que cet extérieur ne fasse passer, et n’empêche d’être odieux.

Qu’arrive-t-il de là ? Tout le monde veut être aimable, et ne s’embarrasse pas d’être autre chose ; on y sacrifie ses devoirs, et je dirois la considération, si on la perdoit par là. Un des plus malheureux effets de cette manie futile est le mépris de son état, le dédain de la profession