Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/201

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S’il se trouvoit alors des gens d’affaires assez sensés pour vouloir jouir, ils l’étoient assez pour se borner aux commodités, aux plaisirs, à tous les avantages d’une opulence sourde ; ils évitoient un éclat qui ne pouvoit qu’exciter l’envie des grands et la haine des petits. Si l’on se contentoit de ce qui fait réellement plaisir, on passeroit pour modeste.

Ceux à qui les richesses ne donnent que de l’orgueil, parce qu’ils n’ont pas à se glorifier d’autre chose, ont toujours aimé à faire parade de leur fortune ; trop enivrés de la jouissance pour rougir des moyens, leur faste étoit jadis le comble de la folie, du mauvais goût et de l’indécence.

Cette ostentation d’opulence est plus communément la manie de ces hommes nouveaux qu’un coup du sort a subitement enrichis, que de ceux qui sont parvenus par degrés. Il est assez singulier que les hommes tirent plus de vanité de leur bonheur que de leurs travaux. Ceux qui doivent tout à leur industrie, savent combien ils ont évité, fait et réparé de fautes ; ils jouissent avec précaution, parce qu’ils ne peuvent pas s’exagérer les principes de leur fortune ; au lieu que ceux qui se trouvent tout à coup des êtres si différens d’eux-mêmes, se regardent comme des objets dignes de l’attention particulière du sort. Ils ne