Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/85

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autre chose que la pratique des vertus morales, ou le dérèglement de la conduite, suivant que ce terme est pris en bien ou en mal. On voit dès là que les mœurs diffèrent de la morale qui devroit en être la règle, et dont elles ne s’écartent que trop souvent. Les bonnes mœurs sont la morale pratique.

Relativement à une nation, on entend par les mœurs, ses coutumes, ses usages, non pas ceux qui, indifférens en eux-mêmes, sont du ressort d’une mode arbitraire ; mais ceux qui influent sur la manière de penser, de sentir et d’agir, ou qui en dépendent. C’est sous cet aspect que je considère les mœurs.

De telles considérations ne sont pas des idées purement spéculatives. On pourroit l’imaginer d’après ces écrits sur la morale, où l’on commence par supposer que l’homme n’est qu’un composé de misère et de corruption, et qu’il ne peut rien produire d’estimable. Ce système est aussi faux que dangereux. Les hommes sont également capables du bien et du mal ; ils peuvent être corrigés, puisqu’ils peuvent se pervertir ; autrement, pourquoi punir, pourquoi récompenser, pourquoi instruire ? Mais pour être en droit de reprendre, et en état de corriger les hommes, il faudroit d’abord aimer l’humanité, et l’on seroit alors à leur égard juste sans dureté, et indulgent sans lâcheté.