Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que par les plaisirs. Le fond de son caractère étoit une facilité et une bonté qui alloient jusqu’à la foiblesse. Avec un cœur naturellement droit, ses bonnes et ses mauvaises qualités dépendoient de ses liaisons. Il ne tenoit à rien par son goût, et se livroit à tout par celui des autres ; on lui faisoit accepter aussi indifféremment une cérémonie de deuil qu’une partie de plaisir ; il assistoit à tout et n’imaginoit rien, parce qu’il étoit uniquement déterminé par l’envie de plaire. Il n’étoit jamais embarrassé que de se conformer à tous nos sentimens qui n’étoient pas toujours aussi uniformes que nos goûts. Senecé étoit enfin le plus complaisant des amis ; l’amour en fit un esclave.

Je m’aperçus que depuis un temps Senecé n’étoit plus aussi fidèle à nos plaisirs qu’il l’avoit toujours été. Je lui en parlai ; il m’avoua qu’il étoit amoureux à la fureur de la plus aimable et de la plus respectable des femmes. Les éloges des amans m’ont toujours été fort suspects ; ceux de Senecé, qui n’avoit jamais rien blâmé, l’étoient encore davantage. Il me proposa de me présenter à sa maîtresse, me dit qu’il lui avoit déjà parlé de moi comme de son ami particulier, et que j’en serois parfaitement bien reçu. J’acceptai la proposition, et j’y allai avec lui ce jour-là même.