Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/122

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commerce. C’est à vous d’accorder votre plaisir avec vos devoirs : satisfaites vos désirs ; mais qu’une femme ne vous arrache ni à votre famille, ni à vos amis. Senecé demeura un peu interdit ; il me répondit que, si je la connoissois mieux, j’en prendrois d’autres sentimens. Enfin il me parut confus et plus affligé que converti. La bonté de son cœur, qui rendoit justice à mes intentions, l’empêcha de s’emporter contre moi, comme la plupart des amans l’auroient fait ; mais il n’en parut pas plus détaché de sa maîtresse.

Il n’étoit guère convenable que je continuasse d’aller chez une femme dont je pensois aussi mal ; je cessai mes visites ; je n’y allois que lorsque Senecé m’y entraînoit. Elle m’en fit d’abord quelques reproches ; mais apparemment qu’il lui rendit compte de mes motifs et de notre conversation ; car elle changea tout à coup l’accueil qu’elle avoit coutume de me faire, et me marqua une haine qui étoit aussi sincère que ses premières amitiés avoient été fausses. J’en fus charmé, et je cessai absolument d’y aller.

Cependant je voyois toujours Senecé ; il craignoit de me parler de sa maîtresse, et je ne lui en disois pas un mot. De temps en temps je le trouvois triste et pensif. Je l’aimois véritablement, et je m’intéressois à son état. Je lui de-