Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/147

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avec sa mère me présenter son amant ; il étoit d’une figure aimable, et paroissoit avoir vingt-deux ans. Comme Julie l’avoit prévenu que je ne voulois le voir que pour lui rendre service, il me salua avec cette espèce de timidité qu’éprouve tout honnête homme qui à une grâce à demander ou à recevoir. Je lui demandai quel étoit son emploi ; il satisfit pleinement à ma question. Je ne concevois pas, par les détails qu’il me fit, qu’il eût de quoi subsister, bien loin de fournir à la subsistance des autres. Il n’y a que l’amour qui puisse trouver du superflu dans un nécessaire aussi borné. Pendant qu’il me parloit, je remarquai que Julie ne levoit les yeux de dessus lui que pour me regarder avec autant d’attention. Elle craignoit qu’il ne me plût pas, et cherchoit à lire dans mes yeux l’impression qu’il faisoit sur moi. En effet je n’eus pas plutôt témoigné à ce jeune homme que j’étois également satisfait de sa figure et de ses discours, que je vis la joie se répandre sur le visage de Julie. Je leur demandai s’ils n’étoient pas toujours dans le dessein de s’épouser. Le jeune homme prit aussitôt la parole : Mon bonheur, me dit-il, dépendroit sans doute d’être uni avec Julie, si je pouvois la rendre heureuse ; je ne désirerois des biens que pour les lui offrir ; mais je n’en ai aucuns, et je ne me consolerois jamais de faire