Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/15

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la première jeunesse, mais qui étoit encore extrêmement aimable, saisit avec vivacité les plaisanteries que l’on faisoit sur moi ; et, sous prétexte de plaire à la maîtresse de la maison qui paroissoit s’y intéresser, elle vouloit que je fusse toujours avec elle. Bientôt elle me déclara son petit amant ; j’acceptai cette qualité, je lui donnai toujours la main à la promenade, elle me plaçoit auprès d’elle à table, et mon assiduité devint bientôt la matière de la plaisanterie générale, je m’y prêtois de meilleure grâce que l’on n’eût dû l’attendre d’un enfant qui n’avoit aucun usage du monde. Cependant je commençois à sentir des désirs que je n’osois témoigner, et que je ne démêlois qu’imparfaitement. J’avois lu quelques romans, et je me crus amoureux. Le plaisir d’être caressé par une femme aimable, et l’impression que font sur un jeune homme, des diamans, des parfums, et sur-tout une gorge qu’elle avoit admirablement belle, m’échauffaient l’imagination ; enfin tous les airs séduisans d’une femme à qui le monde a donné cette liberté et cette aisance que l’on trouve rarement dans un ordre inférieur, me mettoient dans une situation toute nouvelle pour moi. Mes désirs n’échappaient pas à la marquise, elle s’en apercevoit mieux que moi-même, et ce fut sur ce point qu’elle voulut entreprendre mon éducation.