Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/168

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trop violent pour être retenu. Je priai, je pressai : à la vivacité des sollicitations et aux sermens, je joignis les entreprises, je l’embrassai ; elle étoit émue, elle soupirait : je ne trouvai plus qu’une foible résistance, et je devins le plus heureux des hommes. Pour concevoir mon bonheur, il faut avoir éprouvé les mêmes désirs. Quoique j’eusse passé ma vie avec les femmes, le plaisir fut nouveau pour moi ; c’est l’amour seul qui en fait le prix. Je ne sentis point succéder au feu des désirs ce dégoût humiliant pour les amans vulgaires : mon âme jouissoit toujours.

Attaché par l’amour, fixé par le plaisir, je trouvois madame de Selve encore plus belle ; je l’accablons de baisers : sa bouche, ses yeux, toute sa personne étoient l’objet de mes caresses et la source de mes transports : une ivresse voluptueuse étoit répandue dans tous mes sens. À peine fut-elle un peu calmée, que je remarquai que madame de Selve n’osoit me regarder ; elle laissoit même couler des larmes. Sa douleur passa dans mon âme : j’étois fait pour avoir tous ses sentimens. Je me regardai comme criminel. Je craignis de lui être devenu odieux ; je la conjurai de ne me point haïr. Hélas ! me répondit-elle, seroit-il en mon pouvoir de vous haïr ? Mais je sens que je vous perdrai ? Et puis-je me le pardonner ? Je n’oubliai rien pour dissi-