Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/182

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tems pria tous ceux qui étoient à table d’être de la partie, voulant, disoit-il, réunir chez lui aussi bonne compagnie. Il s’adressa d’abord à madame de Selve, qui ne refusa pas absolument, attendant quelle seroit ma réponse. Madame Dorsigny la fit pour moi, et approuva fort la proposition. Le voyage fut fixé au surlendemain. J’allai, le jour suivant, chez madame de Selve, fort embarrassé de ma contenance. Je ne pouvois pas concevoir son aveuglement : il étoit trop grand pour ne m’être plus suspect. Je le regardai comme un effet de sa prudence, et je ne doutois point qu’elle n’eût réservé pour une explication particulière ce qu’elle avoit dissimulé en public.

Je ne trouvai pas le moindre changement dans l’accueil qu’elle me fit. Je crus l’avoir absolument trompée, et qu’elle n’avoit pas le plus léger soupçon sur madame de Dorsigny. Je redoutois la partie de campagne ; mais je me rassurai. Je comptai qu’après avoir réussi à l’abuser pendant le souper, cela me seroit aussi facile à la campagne, et je la pressai d’y venir. Elle fit des difficultés qui m’étonnèrent ; mais enfin elle y consentit, et nous partîmes le lendemain. Je m’y rendis de mon côté pour éviter de me trouver avec l’une ou l’autre de ces deux rivales.