Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/184

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n’avoit pas besoin de témoins. Le lieu, l’occasion et le plaisir nous séduisirent, nous le poussâmes aussi loin qu’il pouvoit aller, lorsque madame de Selve, qui cherchoit la solitude, fut conduite par le hasard dans le lieu même où nous étions. Elle nous trouva dans une situation qui n’étoit pas équivoque. Elle ne nous eut pas plutôt aperçus, qu’elle se retira précipitamment ; mais elle ne le put faire sans que nous fussions convaincus que rien ne lui avoit échappé.

On ne sauroit peindre la surprise et la douleur que nous éprouvâmes. Nous restâmes quelque temps immobiles et sans nous parler. J’étois au désespoir d’avoir eu pour témoin de mon infidélité celle-même que j’outrageois, qui le méritoit si peu, et que je me flattois d’avoir impunément trompée jusque-là. J’avois le cœur déchiré. Madame Dorsigny, qui ne pénétrait pas le fond de mon âme, et qui n’imaginoit pas qu’un homme, qui pour l’ordinaire n’est guidé que par le plaisir et la vanité, pût en pareille occasion avoir des ménagemens pour lui-même, croyoit que le malheur ne tomboit que sur elle. Elle venoit d’être surprise par une femme qu’elle regardoit comme une rivale offensée ; d’ailleurs, elle connoissoit son sexe, elle en jugeoit par elle-même, et sentoit qu’une femme n’a pas