Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/52

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temps de revenir en France. Comme j’étois moins retenu à Venise par l’amour que par des plaisirs qui se trouvent partout, j’eus moins de peine à m’en arracher. J’essayai inutilement de consoler Marcella ; enfin, après lui avoir promis de revenir, et après toutes les protestations que les amans font en pareil cas, souvent de la meilleure foi du monde, et qu’ils ne tiennent jamais, je partis. À peine étois-je arrivé à Paris, que je reçus, de la signora Maria, la lettre que je viens de rapporter. J’en reçus aussi beaucoup de Marcella, pleines de passion et d’emportement. Je lui écrivis plusieurs fois ; mais bientôt l’absence l’effaça de mon esprit : apparemment que la persévérance d’un autre amant me remplaça dans son cœur ; car elle cessa de m’écrire, et je n’entendis plus parler d’elle.

Je trouvai, en arrivant à la cour, qu’elle avoit absolument changé de face. Le feu roi qui, dans sa jeunesse, avoit été extrêmement galant, avoit toujours apporté beaucoup de décence dans ses plaisirs. Les fêtes superbes qu’il avoit données, avoient rendu sa cour la plus brillante qu’il y eût jamais eu dans l’Europe, et avoient, plus que toute autre chose, favorisé le progrès des talens et des arts. Il suffisoit que les courtisans eussent le goût délicat, pour qu’ils imitassent le roi ; mais ils furent obligés de recourir à la flatte-