Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me, une chose lui déplaisoit aujourd’hui par l’unique raison qu’elle lui avoit plu le jour précédent. Son esprit, qui changeoit à chaque instant d’objet, lui fournissoit aussi les raisons les plus spécieuses et les plus persuasives, pour justifier son changement : quand elle parloit, elle cessoit d’avoir tort. Quelque sentiment qu’elle défendît, on étoit obligé de l’adopter, tant on étoit frappé de la sagacité de son esprit, du feu de ses idées et du brillant de ses expressions. On auroit imaginé qu’elle ne devoit jamais s’écarter de la raison, si l’on avoit pu oublier que son sentiment actuel étoit toujours la contradiction du précédent.

Ce qu’il y avoit de plus fâcheux pour moi, c’est que son cœur étoit toujours asservi à son esprit, dont il suivoit la bizarrerie et les écarts. Quelquefois elle m’accablait de caresses, et le moment d’après j’étois l’objet de ses mépris. Triste, gaie, étourdie, sérieuse, libre, réservée, madame d’Albi réunissoit en elle tous les caractères ; et celui qu’elle éprouvoit étoit toujours si marqué, qu’il eût paru être le sien propre à ceux qui ne l’auroient vue que dans cet instant. Un jour elle me chargea de lui trouver une petite maison, pour nous voir, disoit-elle, avec plus de liberté.

Le premier usage de ces maisons particuliè-