Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/82

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le talent de donner des ridicules, et nous fîmes une ample critique de toutes les personnes de notre connoissance. Quand il fut question du principal objet qui conduit dans une petite maison, au défaut de l’amour, nous en goûtâmes les plaisirs, et nous nous séparâmes fort contens l’un de l’autre. L’imagination vive, et même déréglée, de madame de Vignolles m’amusoit, et sa personne m’étoit agréable. Après cinq ou six soupers, j’étois près d’en devenir amoureux, lorsque je m’aperçus que j’étois l’amant qu’elle avouoit en public, et que le jeune comte de Varennes étoit celui qu’elle préféroit en secret. Je voulus faire l’amant jaloux, éclater en reproches ; madame de Vignolles n’y répondit qu’en plaisantant. Quoi ! me dit-elle, la façon dont nous nous sommes pris, a-t-elle dû vous faire imaginer que j’aurois une fidélité à toute épreuve pour un homme qui n’a pas même pris la peine de me faire croire qu’il m’aimoit ? Nous nous convenions tous deux ; nous n’avions personne ni l’un ni l’autre ; voilà les motifs qui vous ont déterminé à me choisir : j’avoue que ce sont ceux que j’ai eus en vous acceptant si facilement. Cet aveu singulier me surprit, et bientôt me calma. Le sentiment n’étoit point outragé ; l’amour-propre seul étoit blessé ; ainsi je me déterminai à prendre cette aventure légèrement. Je lui fis seu-