Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/95

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clat de mon départ m’intéresse peu ; mais, parlez moi vous-même avec sincérité, regretteriez-vous votre pays ? Un tel attachement seroit bien éloigné de l’amour et même de la raison. Songez-vous que ce même pays vous a proscrit pour avoir eu des sentimens dont la privation vous eût déshonoré ? Peut-on regretter des hommes dont les idées sont si fausses et si méprisables ? Si vous m’aimez, je dois vous suffire ; l’amour doit détruire tous les préjugés. Mon projet, qui est au-dessus du caractère de vos Françoises, peut vous étonner ; ainsi je n’exige pas votre parole dans ce moment. Je vous donne huit jours pendant lesquels je vous verrai sans vous faire la moindre question sur le parti que je vous propose. En achevant ces mots, elle me quitta, et me laissa dans un trouble et un embarras inexprimables. La probité étoit révoltée du parti que me proposoit milady ; mais l’excès de son amour m’attendrissoit et redoubloit mon attachement pour elle. Je voyois avec douleur que mon refus alloit forcer milady à un éclat affreux pour elle et pour moi. Dans cette situation, j’allai voir l’abbé Dubois, qui depuis a été cardinal, et qui étoit alors chargé à Londres des affaires de France. Il s’aperçut de mon trouble, et me pressa de lui en dire le sujet.

Son caractère, qui le portoit plus à l’intrigue qu’à la négociation, lui avoit fait découvrir mon