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LA RÉUNION

Presque partout, les électeurs portèrent leurs suffrages sur des adversaires déclarés de la République ou du moins sur des conservateurs avérés. La défaite des jacobins et des partisans du gouvernement fut éclatante. La plupart des élus, tant au Corps législatif que dans les administrations, furent choisis parmi les « fanatiques », les « royalistes », les « créatures des prêtres ». On relevait même parmi eux des membres de l’ « infâme congrès belgique »[1]. De tous les administrateurs nommés par Bouteville, c’est à peine si quelques-uns conservèrent leurs mandats. Les électeurs s’étaient évidemment donné pour mot d’ordre de faire place nette des étrangers. Le cri de ralliement, écrit le commissaire central du département des Forêts, fut : « point de Français, ni d’origine, ni d’opinion »[2]. Sauf dans les départements de l’Ourthe et de la Meuse-Inférieure, les élections trahirent une tendance à la fois nationale et conservatrice : elles furent anti-républicaines et anti-françaises.

Les conservateurs n’avaient sans doute point espéré un tel succès : il les grisa. Il le fit d’autant plus que les nouvelles arrivées de France étaient plus encourageantes. Là aussi, le corps électoral avait nettement favorisé le parti modéré dans lequel se groupaient royalistes et catholiques. Il semblait qu’une réaction générale dût emporter bientôt la République. À peine introduites, toutes ses innovations n’allaient-elles point disparaître ? Elles étaient trop récentes encore pour qu’il ne fût pas permis d’espérer une restauration de l’Ancien Régime. Presque tous les nouveaux élus en étaient partisans et ils ne cachaient point leurs projets. Une pétition demandant le retour à la liberté religieuse était envoyée aux Cinq-Cents. On parlait ouvertement du rétablissement des couvents, de faire rendre gorge aux acquéreurs de biens nationaux ; certains même se flattaient de « faire annuler la réunion » et de rétablir la République belgique. Les administrateurs des départements et les municipalités se hâtaient de purger leurs bureaux des

  1. Lanzac de Laborie, op. cit., t. I, p. 114.
  2. Ibid., p. 115.