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BONAPARTE EN BELGIQUE (1803)

avait cherché, par intérêt politique, à recruter le personnel des administrations départementales de la Belgique au sein de la minorité républicaine du pays. Des hommes comme les Bassenge à Liège, comme du Bosch à Gand, comme Rouppe à Bruxelles, avaient été pour lui, non seulement des auxiliaires dévoués, mais d’actifs agents de propagande. Mais leurs convictions personnelles les attachant au gouvernement renversé par le coup d’État de brumaire, ils tombèrent avec lui. Leur « jacobinisme » les rendait suspects à un pouvoir qui exigeait avant tout l’obéissance. Ils végétèrent désormais pour la plupart dans des emplois subalternes ou rentrèrent dans l’obscurité. L’exemple de Rouppe, destitué en janvier 1802 pour avoir protesté contre l’incarcération au fort de Ham de quelques Bruxellois prévenus de contrebande, leur montra qu’il était dangereux de parler haut. La leçon ne fut pas perdue. Jusqu’à la fin, l’Empire fut en Belgique le règne du silence. Même aux approches de la catastrophe finale, l’opposition n’osa se manifester que par une réprobation muette.

Napoléon, qui n’hésita pas à confier à des Italiens des fonctions importantes, montra toujours à l’égard des Belges une méfiance caractéristique. Il avait trop de tact politique et il était trop exactement renseigné pour ne pas comprendre que la population des départements réunis était beaucoup plus attachée à sa personne qu’elle ne l’était à la France. Il put s’en rendre compte par lui-même lors du voyage qu’il fit en Belgique durant l’été de 1803.

Décidé à substituer la monarchie à la république, cet admirable metteur en scène avait voulu éprouver sur les Belges, loin des railleries parisiennes, l’effet des pompes impériales dont il rêvait de s’entourer. Tout avait été combiné pour rehausser son prestige personnel et le faire apparaître en souverain. Joséphine l’accompagnait, parée, souriante et bienveillante comme une reine. Le cardinal Caprara attestait par sa présence la réconciliation du grand homme avec l’Église, tandis que les deux autres consuls ne semblaient être là que pour faire mieux ressortir par leur insignifiance la toute-puissance de leur collègue. Partout où il passa ce fut un