Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LE NOUVEAU RÉGIME

un centre de vie sociale et mondaine. On venait à ses soirées par crainte de se compromettre en n’y assistant pas, mais la contrainte y dominait les conversations et y glaçait les sourires. Et comment se fût-on abandonné à parler librement dans des salons où les murs avaient des oreilles et où le moindre propos compromettant était aussitôt transmis à la police ?

Cependant, si on n’aimait pas les préfets, on les estimait. Après la chute de Napoléon, van Bylandt écrivait en 1814 : « On doit être juste ; le Brabant n’a pas été malheureux sous les préfets français. Tous les habitants l’avoueront. Ils étaient fermes et adroits. Les Belges ont été moins tracassés sous la tyrannie française que sous le gouvernement indulgent et faible des Autrichiens »[1]. Et en 1817, les États de la Flandre Orientale reconnaissaient que « Faipoult avait été un administrateur éclairé et auquel rien n’échappait de ce qui pouvait être utile »[2]. Il suffit de parcourir les archives ou de consulter les « mémoriaux administratifs » des départements pour s’expliquer ces éloges. L’activité qui s’y révèle ne nous frappe point tout d’abord parce que nous y sommes habitués. Pour l’apprécier à sa valeur et dans sa nouveauté, il faut songer à l’Ancien Régime, à ses procédés routiniers et, pour parler comme Joseph II, à ses habitudes « ténébreuses ». Ici, l’administration fonctionne rapidement et inlassablement dans l’intérêt public. L’idéal du « despotisme éclairé » est atteint. Les circulaires et les arrêtés se multiplient dans toutes les directions : police, hygiène, agriculture, industrie, enseignement, etc. Des instructions tracent aux maires la conduite à suivre dans leurs communes et leur recommandent la mise en pratique de tous les perfectionnements dus au « progrès des lumières ». Des encouragements sont promis aux inventions ou aux initiatives utiles. Les préfets s’attachent à propager la vaccine, combattent les abus du truck-system, veillent à la

  1. H. T. Colenbrander Gedenkstukken der algemeene geschiedenis van Nederland 1813-1815, p. 531 (La Haye, 1914).
  2. Exposé de la situation de la Flandre Orientale en 1817, p. 84. — Cf. encore P. Mullendorff, Das Grossherzogtum Luxemburg unter Wilhelm I., p. 104 (Luxembourg, 1921).