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PROSPÉRITÉ DU PAYS AU XVIIIe SIÈCLE

misères et la longue atonie du XVIIe siècle, l’énergie nationale s’est ranimée dans tous les domaines.

Elle est bien loin toutefois de s’épancher sans obstacles. Tout d’abord, l’Escaut reste impitoyablement fermé et c’est par les ports de Hollande que doivent arriver les matières premières et s’exporter les produits nationaux. Les efforts de Joseph II pour rouvrir au pays cette admirable voie naturelle, ont échoué devant la résistance combinée des Provinces-Unies et de la France. De plus, le régime douanier est singulièrement défavorable. Vers l’est, les Liégeois s’obstinent à entraver inintelligemment le transit. Au sud, le protectionisme français ourle la frontière d’un cordon de droits quasi prohibitifs. Ce n’est que grâce au bon marché de la vie et au taux très bas des salaires que l’industrie parvient à écouler ses fabricats à l’étranger. L’Espagne reste le grand marché des toiles flamandes et, en dépit de toutes les difficultés, on cherche à s’assurer de nouveaux clients et de nouveaux débouchés. Le gouvernement « éclairé » de Marie-Thérèse et de Joseph II seconde en cela les initiatives des États provinciaux. Pour faciliter le transit, des canaux sont creusés, des chaussées ouvertes, des entrepôts établis. Les réclamations des Provinces-Unies, inquiètes de cette renaissance d’un pays qui depuis le milieu du XVIIe siècle a subi passivement toutes leurs exigences, n’effrayent plus les ministres plénipotentiaires envoyés à Bruxelles par le cabinet de Vienne. Dans les villes comme dans les campagnes, l’État suscite par des octrois, la fondation de manufactures privilégiées, et à côté d’elles il en est d’autres qui doivent leur naissance à l’esprit d’entreprise des particuliers. Déjà des fabriques apparaissent, attestant que le capitalisme cherche à prendre son essor.

Sans doute, il est encore bien timide et bien neuf. L’épargne ne l’alimente qu’avec une parcimonie craintive et il ne participe que pour une faible part à l’accroissement des revenus nationaux. L’aristocratie et la haute bourgeoisie ne se laissent guère entraîner par la spéculation et l’esprit d’entreprise. Elles employent leurs fonds disponibles à acheter des terres ou à alimenter leurs dépôts à la banque de Vienne. Les institutions de crédit