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CHAPITRE III

LA SITUATION INTELLECTUELLE ET MORALE

I

Depuis les débuts du moyen âge, l’Église, héritière et continuatrice de la civilisation antique, avait été, à tous les degrés, la maîtresse de l’enseignement. Instituées par elle, toutes les écoles, depuis celle de la paroisse jusqu’à l’Université, s’inspiraient de son esprit, se développaient sous son contrôle, recevaient d’elle leurs maîtres et employaient sa langue : le latin. L’instruction n’existait qu’en fonction de la religion et dans ses parties les plus hautes servait avant tout à la formation du clergé. Ni la Renaissance, ni la Réforme n’avaient essentiellement transformé cet état de choses. L’introduction de méthodes nouvelles, l’élargissement du champ de la science, l’ouverture aux laïques de la carrière de l’enseignement n’avaient pas soustrait l’école au monopole de l’Église. Si on y respirait plus librement, on continuait pourtant d’y respirer une atmosphère religieuse. C’est seulement vers le milieu du XVIIIe siècle que l’État avait commencé à intervenir dans un domaine si complètement soustrait jusqu’alors à son emprise. Le despotisme éclairé, en Prusse tout d’abord, puis en Autriche, par cela même qu’il s’assignait la tâche de répandre les lumières ou, comme on dirait au-