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DÉSORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT

Tous les étages de l’édifice scolaire, les anciens comme les nouveaux, s’abîmèrent dans le naufrage de l’Ancien Régime.

Dès 1795, un rapport officiel déclare qu’il n’existe plus, dans la commune de Liège, d’enseignement public[1]. Bassenge, trois ans plus tard, gémit sur la démoralisation et l’ignorance de la jeunesse privée de toute espèce d’instruction. La municipalité a beau ordonner la création d’écoles, les instituteurs ne se présentent pas. Tout au plus subsiste-t-il çà et là quelques établissements privés où, sous la direction d’un ancien moine, d’une religieuse sécularisée ou d’un sacristain, des enfants apprennent à lire et à écrire dans des conditions aussi lamentables au point de vue de la pédagogie qu’à celui de l’hygiène. Et si l’on songe que Liège est de toutes les grandes villes du pays la plus favorable aux idées nouvelles, on devinera sans peine ce que devait être la décadence générale.

Pourtant, jamais gouvernement ne prôna plus sincèrement que celui de la République, les bienfaits de l’instruction. L’ignorance n’était-elle pas le plus ferme soutien de la tyrannie, et la diffusion des lumières, la condition indispensable de la liberté et de l’affranchissement des peuples ? Dès 1792, la Convention avait rendu obligatoire la fréquentation de l’école primaire et mis à charge de l’État la rétribution des instituteurs. Mais au milieu des troubles civils et de la guerre, le temps et l’argent avaient également manqué. Le marasme n’avait fait que s’accentuer. La situation n’était guère meilleure en France qu’en Belgique, lorsque la Convention vota, quelques jours avant de se séparer, la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) qui fut promulguée en 1797 dans les départements réunis.

Elle organisait un système d’enseignement à la fois démocratique et laïque. Si l’État ne revendiquait pas le monopole de l’école, il en exerçait soigneusement l’inspection. Officielles ou privées, toutes les écoles, placées sous sa surveillance, devaient donner les mêmes garanties de civisme. Dans l’enseignement élémentaire, les droits de l’homme prenaient la place qu’avait jadis occupée le catéchisme. Les maîtres

  1. Th. Gobert, Liège à travers les âges, t. I. p. 286 (Liège, 1924).