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LA FIN DU RÉGIME

(30 novembre 1813). Le lamentable défilé des fonctionnaires français qui fuyent ce pays et passent par la Belgique augmente la certitude de la débâcle prochaine de l’Empire. Dès le 21 novembre, le préfet de la Dyle s’attend au pire. « Des gens qui ont été témoins de la révolution brabançonne m’assurent que ce sont aujourd’hui les mêmes symptômes et qu’à chaque instant il peut éclater une grande insurrection ». Le bruit que les alliés approchent fait craindre un soulèvement populaire des masses appauvries, désœuvrées et aigries. Les impôts ne rentrent plus. Les propriétaires inquiets font des patrouilles. Des gardes urbaines s’organisent pour « contenir la multitude » et empêcher l’anarchie. Mais il est certain qu’elles ne résisteront pas à l’étranger. Le préfet de Jemappes se demande même si elles ne sont pas un simple « moyen de transition inauguré pour passer avec le moins de désordre possible d’une domination à une autre »[1], et il a l’impression que la population de son département se considère déjà comme « appartenant à l’ennemi ». Les faits semblent lui donner raison, car, en octobre, les Conseils municipaux se sont refusés à envoyer des adresses de dévouement à l’impératrice régente, et le sénatus-consulte du 15 novembre appelant sous les armes 300,000 conscrits ne reçoit pas même un commencement d’exécution.

On sait d’ailleurs que les alliés ont franchi le Rhin. Bulow, à la tête d’un corps prussien, marche sur la Hollande ; Winzingerode s’avance vers la Meuse avec une armée russe. Dès le milieu de décembre, leur cavalerie commence à s’infiltrer dans le pays. Le 15, une sotnia de cosaques est entrée à Lierre ; le 19, un peloton de 150 hulans a pénétré dans Louvain et y a enlevé le maire ; le 29, des partis de cosaques battent la campagne aux environs de Gand.

L’empereur a confié la défense de la Belgique au général Maison[2]. À l’est, les garnisons de Venlo, de Maestricht

  1. P. Poullet, La Belgique et la chute de Napoléon Ier. Revue Générale, t. LXI [1895], p. 191.
  2. Calmon-Maison, Le général Maison et le premier corps de la Grande Armée. Campagne de Belgique. (Paris, 1914).