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LA NOUVELLE BARRIÈRE

que pour reparaître sous une forme plus brutale. Les troupes qui submergeaient la Belgique, la confondant avec la France, s’y conduisaient « avec une brusquerie à laquelle les gens du pays sont peu familiarisés »[1]. La brutalité des Russes était dépassée encore par celle des Prussiens. Les vexations qu’ils infligeaient à la population étaient telles que « le souvenir ne s’en effacera jamais »[2]. Partout où ils prenaient leurs quartiers, ils apportaient un régime de terreur rendu plus abominable encore par ses procédés. Habitués à la bastonnade, ils l’appliquaient à tout propos et à tout le monde. Des maires abandonnaient leurs fonctions pour s’épargner les coups. La mauvaise discipline allait de pair avec les mauvais traitements.

Il n’avait servi de rien de remplacer au mois de mars Lottum et Délius par un nouveau Prussien, le baron de Horst. La proclamation qu’il avait lancée de Bruxelles, saluait dans les Belges un peuple « célèbre déjà dans l’histoire par sa valeur et l’amour de sa patrie, et qui allait recouvrer l’existence politique dont un tyran l’avait dépouillé »[3]. En attendant, les exactions et le bon plaisir étaient pires qu’auparavant. Lord Clancarty constatait, le 25 avril, que le pays est épuisé de réquisitions et que l’esprit est si mauvais qu’il faut s’attendre à tout[4]. Le public était d’autant plus indigné que la suppression des droits réunis n’avait apporté aucun allègement. On y avait bientôt substitué un octroi départemental sur la bière et les eaux-de-vie, et le 26 avril une contribution de guerre de 4,987,366 francs avait été imposée aux six départements compris dans le gouvernement général de la Belgique[5]. Visiblement, ce que l’on demandait au pays, c’était son argent et qu’il payât les frais de la guerre qui l’avait « affranchi ». On eût été bien aise aussi qu’il fournît des

  1. De Bas et de ’T Serclaes de Wommerson, La campagne de 1815 aux Pays-Bas, t. I, p. 59.
  2. Sur la conduite des Prussiens, voy. Gedenkstukken, 1813-1815, p. 513, 531, 535, 571.
  3. Journal officiel du gouvernement de la Belgique, t. I, p. 118.
  4. Gedenkstukken 1813-1815, p. 109. Cf. Ibid., p. 118.
  5. Journal officiel du gouvernement de la Belgique, t. I, p. 245.