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LA NOUVELLE BARRIÈRE

Heureusement ses appétits effrayaient tout le monde, et il ne serait pas trop difficile de l’amener à lâcher prise quand elle serait convaincue que ses forces ne correspondaient pas à ses convoitises.

Le cabinet de Londres avait mûrement élaboré un plan que l’on pourrait appeler une revision du traité de la Barrière. En 1715, c’est d’accord avec les Provinces-Unies qu’il avait transformé la Belgique en un rempart contre la France, et qu’il avait contraint l’Autriche d’accepter ce pays, grevé, au profit des puissances maritimes, d’une hypothèque militaire. Cependant la décadence rapide des Provinces-Unies avait enlevé toute valeur à une combinaison qui remettait à leur garde les forteresses de la Barrière. Les Hollandais n’avaient pas même résisté à l’invasion française de 1744, et en 1781 ils avaient laissé expulser leurs garnisons par Joseph II. Il ne pouvait plus être question, en 1814, de leur assigner de nouveau un rôle qu’ils seraient moins capables encore de jouer. D’autre part, reconnaître l’indépendance de la Belgique et lui confier la mission de se défendre elle-même au profit de l’Europe, il n’y fallait pas songer. Le pays était trop faible pour son importance. Si l’on voulait qu’en une prochaine guerre un nouvel assaut de la France vînt se briser contre lui, il n’existait qu’un moyen : ajouter son territoire à celui de la Hollande, « amalgamer » les deux peuples et faire de leurs faiblesses réunies une force assez grande pour se défendre et pas assez pour inquiéter leurs voisins. Ainsi une barrière nouvelle, plus solide et plus efficace que l’ancienne, serait érigée. La servitude militaire à laquelle la Belgique seule avait été astreinte en 1715 serait imposée cette fois à la Belgique et à la Hollande.

Déjà pendant la révolution brabançonne, Londres et Berlin avaient envisagé l’éventualité d’une entente étroite, au profit de la maison d’Orange, des deux parties des Pays-Bas. Il avait suffi de flatter la vanité du pauvre van der Noot pour le rallier à ce projet qui n’avait d’autre but que d’utiliser, au détriment de l’Autriche, l’insurrection des Belges[1].

  1. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 462.