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CONFLIT DU ROI ET DES ÉVÊQUES

durée. Les curés interdisaient aux fidèles de prêter serment à la loi, leur faisant ainsi une obligation de conscience de renoncer aux fonctions publiques pour lesquelles ce serment était requis. On allait jusqu’à refuser l’absolution, non seulement à ceux qui l’avaient prêté, mais même aux notables qui avaient approuvé la constitution. À cette obstination, le roi opposait une obstination semblable. Des ordonnances étendaient l’obligation du serment à tous les fonctionnaires publics. Il fallait prendre parti : ou pour l’Église contre la couronne, ou pour la couronne contre l’Église. L’excommunication civile répondait à l’excommunication religieuse.

Cependant le gouvernement se préoccupait de trouver une issue à la situation dans laquelle il s’enfermait faute de vouloir et de pouvoir céder. Le siège archiépiscopal de Malines était toujours vacant, et il fallait obtenir de Rome la nomination d’un prélat dont la modération pût être opposée à l’intolérance du prince de Broglie. Les négociations étaient difficiles. Par point d’honneur sans doute et pour bien affirmer en face même du Vatican son hostilité à l’ultramontanisme, Guillaume avait choisi comme représentant auprès du pape un ministre, M. de Reinhold, qui affichait des convictions anticléricales, si non même antireligieuses. Son salon était un rendez-vous de libres penseurs. On y rencontrait, entre autres, le jeune Louis de Potter dont le premier ouvrage, Les considérations sur l’histoire des principaux conciles (1816), attaquait avec âpreté l’Église catholique. Évidemment le roi des Pays-Bas ne croyait pas nécessaire de donner à Rome des gages de bienveillance. Il prétendait traiter avec le pape d’égal à égal, sans rien promettre et surtout sans rien sacrifier des principes joséphistes suivant lesquels il avait résolu, à l’exemple des princes allemands, de régler sa politique ecclésiastique. Ce n’était un secret pour personne que le baron Goubau d’Hovorst, un des rares Belges qu’il avait fait entrer au ministère et auquel il avait confié la direction des cultes, était un adepte aussi convaincu des tendances fébroniennes que l’avaient été, à la veille de la Révolution brabançonne, les Cobenzl et les Trauttmansdorff.