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L’INSTALLATION DU RÉGIME

République et qu’il avait porté à sa perfection. Joseph II s’alliait ainsi en lui à Napoléon. Son idéal eût été sans doute d’appliquer, dans l’esprit du premier, le système gouvernemental du second.

Mais en conservant tout ce qu’il est possible de conserver de l’administration impériale, il en dirige, si l’on peut ainsi parler, le fonctionnement contre la France. Car son devoir comme son intérêt lui imposent une politique anti-française. Il y est obligé tant comme gardien de la barrière de l’Europe, que comme souverain d’un État dont la solidité croîtra dans la mesure où il s’imprégnera d’une individualité politique distincte unissant en un tout homogène les deux parties disparates dont il se compose. Pour que le royaume des Pays-Bas soit viable, il importe avant tout que la Belgique, rompant les liens qui depuis vingt ans l’ont attachée à la France, s’unisse étroitement à la Hollande dans la communauté des mêmes institutions, des mêmes intérêts, du même attachement à la dynastie, de la même conscience nationale. Et c’est à cette tâche que le roi se consacre avec un zèle sincère et impatient[1].

On dirait qu’il a hâte de prouver à l’Europe qu’il mérite sa confiance. Dans tous les domaines il suscite et surveille l’activité de ses agents. Les ingénieurs militaires poussent la construction des forteresses avec une énergie qui ravit le duc de Wellington. En 1820 cette grande œuvre est achevée. En face des places françaises fortifiées par Vauban, s’élèvent maintenant, pourvue de tous les perfectionnements modernes, une ligne de défense si serrée et si redoutable qu’elle paraît justifier l’orgueilleuse inscription gravée aux portes de ses citadelles : « Nemo me impune lacesset ».

  1. Et en même temps qu’il s’arme, le jeune royaume s’organise En 1829, l’ambassadeur autrichien Mier dit que « la politique du gouvernement était principalement dirigée à détacher les Belges de leurs anciennes liaisons avec la France, de les isoler de leurs anciens maîtres, de mettre leurs idées, leurs coutumes, leur langue, leurs croyances même en opposition avec ceux de leurs voisins. C’est à cette politique bonne pour le fond mais appliquée maladroitement, qu’il faut attribuer des mesures malheureuses ». Gedenkstukken 1825-1830, t. I, p. 309.