aucune entente avec eux n’avait été possible. Mais voici qu’évoluant à leur tour, ils invoquaient les principes qu’ils avaient si longtemps combattus. Au lieu de revendiquer la liberté pour eux seuls, ils l’admettaient maintenant pour leurs adversaires. Ils répudiaient le privilège en faveur du droit commun. Ils étaient prêts à se réconcilier avec la société moderne pourvu que, rompant avec la tradition absolutiste du XVIIIe siècle, elle cessât de les soumettre à la raison d’État et de leur refuser l’égalité qu’elle reconnaissait à tout le monde.
En vain le Journal de Gand croyait les embarrasser en republiant le manifeste épiscopal du 8 octobre 1814, en faveur du rétablissement des dîmes, des tribunaux ecclésiastiques et des privilèges du clergé. Les jeunes catholiques avaient aussi complètement abandonné ces prétentions que les jeunes libéraux avaient rompu avec l’anticléricalisme de leurs aînés. À la place de Mgr. de Broglie, c’était maintenant Lamennais qu’ils reconnaissaient comme leur chef spirituel.
En proclamant la nécessité pour l’Église de ne chercher son salut que dans la liberté « dont la puissance temporelle aspire à la dépouiller peu à peu », et en lui faisant un devoir de ne pas entretenir plus longtemps avec les gouvernements « des rapports qui la constituent dans un état de dépendance incompatible avec ses droits essentiels », il donnait aux catholiques belges un programme qui répondait trop complètement à leurs besoins et à leurs tendances pour qu’ils s’effrayassent, comme le faisait une grande partie du clergé français, de sa nouveauté et de sa hardiesse[1]. À peine son retentissant manifeste avait-il
- ↑ Pour l’influence de Lamennais sur les catholiques belges, voy. Terlinden, op. cit., t. II, p. 240, 353 et suiv. et surtout p. 405 et suiv. (rapport de l’internonce à Rome). Cf. Delplace, La Belgique sous Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, p. 165 (Louvain, 1899) ; G. Monchamp, L’évêque van Bommel et la Révolution belge. Bullet. de l’Acad. Roy. de Belgique, Classe des Lettres, 1905, p. 393 et suiv. ; Colenbrander, De Belgische Omwenteling, p. 149 ; Gedenkstukken 1825-1830, t. I, p. 184 ; Thonissen, Vie du comte Félix de Mérode (Bruxelles, 1861). Comme spécimens des brochures du temps à ce sujet, voy. : de Robiano Borsbeek, Exposition des sentiments des catholiques (Bruxelles, 1830) ; L. de Potter, Réponse à quelques objections sur la question catholique dans les Pays-Bas (Bruxelles, 1829).