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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

était la condition de l’existence de l’État. L’adoption du régime parlementaire entraînerait d’ailleurs forcément la disparition de cette clause essentielle de la Loi fondamentale qui avait accordé au Sud comme au Nord, le même nombre de sièges aux États-Généraux. Plus nombreux que leurs compatriotes septentrionaux, les Belges ne manqueraient pas d’exiger tôt ou tard, en vertu des principes du gouvernement constitutionnel, une représentation proportionnelle au chiffre de leur population. Ils ne supporteraient pas longtemps l’égalité fallacieuse qui leur était imposée au mépris de l’égalité véritable[1]. Or l’État ne pouvait se maintenir que par cet artifice. Il se disloquerait infailliblement du jour où le pouvoir politique y étant équitablement réparti, les Belges y domineraient sur les Hollandais.

C’était donc moins l’amour-propre que la nécessité qui poussait Guillaume à s’obstiner dans le gouvernement personnel. Son devoir vis-à-vis de la Hollande comme vis-à-vis de l’Europe lui dictait sa conduite. Pourtant, il ne pouvait se dissimuler la gravité de la situation. La prudence lui conseillait d’apaiser un mécontentement qui devenait de jour en jour plus général et plus profond. Déjà les catholiques hollandais commençaient à signer les pétitions en faveur de la liberté de l’enseignement. Qu’arriverait-il s’ils se laissaient entraîner dans le mouvement déchaîné par leurs coreligionnaires du Sud ? Sans rien sacrifier de ses principes, le roi pouvait enlever à l’opposition les griefs qu’elle invoquait contre lui. La raison d’État lui imposait une reculade. Si humiliante qu’elle dût lui paraître, il s’y résigna. Le 16 mai 1829, une loi sur la presse abrogeait le décret d’avril 1815 ; le 20 juin, un arrêté rendait facultative pour les séminaristes la fréquentation du Collège philosophique ; le 2 octobre, un autre arrêté autorisait les évêques à organiser leurs séminaires conformément au Concordat et supprimait la défense de faire

  1. Le Courrier de la Meuse constate que « les trois quarts de la population ont été gouvernés jusqu’aujourd’hui au profit d’un quart ». Gedenkstukken 1825-1830, t. I, p. 318. L’ambassadeur autrichien, Mier, en envoyant l’article à Metternich, trouve qu’il a raison.