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LE PROLÉTARIAT

reprise s’était manifesté avec une énergie qui ne devait plus cesser de s’accroître.

Le gouvernement et en particulier l’initiative intelligente du roi ont contribué largement à cette renaissance de l’industrie[1]. Mais elle suppose des causes plus profondes sans lesquelles elle eût été impossible. La plus essentielle est, sans contredit, le bon marché de la main-d’œuvre, conséquence de la densité de la population et de la liberté économique[2]. Sous Guillaume comme sous Napoléon, elles eurent les mêmes effets. Peut-être même furent-elles plus actives encore sous le premier, qu’elles ne l’avaient été sous le second. Depuis 1815, en effet, tandis que le chiffre des habitants ne cesse de grandir, aucune mesure n’est prise pour protéger l’employé contre l’employeur. Le prolétariat ne s’aperçoit guère que par l’abolition de la conscription qu’il a changé de souverain. Sa situation reste déplorable. Aucune restriction n’est mise à l’emploi des femmes et des enfants dans les usines ou dans les mines ; aucune mesure n’est prise pour combattre le paupérisme. Les villes s’efforcent bien, par l’institution d’écoles gratuites, de développer l’instruction populaire. À Gand, l’administration communale organise une banque de prêt[3]. Mais on ne voit pas la moindre velléité d’intervenir contre les abus dont les patrons se rendent trop souvent coupables en réduisant les salaires ou en forçant les ouvriers à recevoir en payement des denrées évaluées à un prix excessif[4]. Les lois sur l’obligation du livret et sur l’interdiction des grèves et des coalitions restent strictement en vigueur. Çà et là, des associa-

  1. Ch. Terlinden, La politique économique de Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, en Belgique. Revue Historique, t. CXXXIX [1922], p. 1 et suiv. ; R. Häpke, Die wirtschaftliche Politik im Königreich der Niederlanden, 1815-1830 Vierteljahrschrift für Social- und Wirtschaftsgeschichte, 1923, p. 152 et suiv.
  2. Tous les contemporains sont d’accord sur ce point. D’après Roentgen, le salaire d’un ouvrier belge est de cinquante pour cent inférieur à celui d’un ouvrier anglais.
  3. Règlements de la ville de Gand, t. III, p. 253 (Gand, 1833). Il y en eut d’autres à Termonde et Saint-Nicolas. Ibid., p. 363.
  4. J. Lejear, Histoire de la ville de Verviers. Période hollandaise et Révolution belge de 1830. Bullet. de la Soc. verviétoise d’archéologie et d’histoire, t. VII [1906], p. 180.