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LA SÉPARATION

resser qu’à l’exposition industrielle qui vient de s’y ouvrir. Le roi, qui y est venu du 8 au 12 août, a été bien reçu. Tout au plus, pour éviter d’entendre crier « à bas van Maanen », s’est-il abstenu d’aller au théâtre. La situation reste donc ce qu’elle était : elle n’est pas meilleure, mais elle n’est pas pire.

Ce que le gouvernement redoutait, ce n’était pas le soulèvement de la Belgique, mais une brusque agression de la France, à laquelle il aurait été incapable de faire face. Car l’état militaire du royaume était déplorable. Les forteresses manquaient d’artillerie. L’armée, composée de volontaires auxquels s’ajoutaient des miliciens tirés au sort et ne se réunissant qu’un mois par an, ne comportait que 35,000 hommes. La garde communale (schutterij), organisée sur le papier en 1827, ne comptait pas. En somme, le royaume n’était pas à même de jouer ce rôle de barrière auquel l’Europe l’avait destiné. Rassuré par la tranquillité générale des dernières années, le roi avait évidemment négligé sa mission internationale au profit de sa politique interne. À l’heure du péril, il se dérobait. Sur les conseils de l’Angleterre, il en était réduit à faire le mort et à éviter toute apparence de provocation. Pour ne point irriter la France, il s’abstenait de masser des troupes à la frontière, se bornant à prendre timidement et sans bruit quelques mesures en vue de mettre les forteresses à l’abri d’un coup de main[1].

Heureusement, l’avènement de Louis-Philippe (9 août) le rassurait. Il était certain que le « roi des Français », pour affermir sa couronne, éviterait avec le plus grand soin de se brouiller avec les Puissances en menaçant les Pays-Bas. Il recherchait visiblement l’amitié de l’Angleterre. On savait qu’il résistait de tout son pouvoir aux bonapartistes et aux républicains qui, sous l’influence combinée du souvenir de Napoléon et de l’idéalisme humanitaire, le poussaient à déchirer les traités de Vienne et à marcher sur la Belgique et sur le Rhin. Sa prudence et sa circonspection les exaspéraient. Ils comptaient

  1. Voy. les lettres de Bagot dans Gedenkstukken 1825-1830, t. I, p. 59, 60, 61, 63.