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TENDANCES DÉMOCRATIQUES ET RÉVOLUTIONNAIRES

succéder l’action prompte et énergique », et il encourageait les Belges à voler au secours de Bruxelles, « généreuse cité qui la première arbora le drapeau tricolore à l’ombre duquel se fonderont et se consolideront nos libertés »[1].

Les nouvelles du pays entretenaient et augmentaient l’agitation. On apprenait qu’à Liège, quelques citoyens s’étaient emparés du fort de la Chartreuse (20 septembre), que le fort de Huy était tombé aux mains du peuple, qu’à Alost 300 hussards avaient été désarmés par la foule, qu’à Mons, à Namur, à Louvain, les esprits étaient aussi montés qu’à Bruxelles. Le Luxembourg, qui avait d’abord hésité, envoyait une députation chargée de réclamer la séparation du royaume. De plus en plus, les déserteurs affluaient de l’armée et le nombre des auxiliaires venus des provinces allait croissant de jour en jour. La Brabançonne, récemment composée par Jenneval, remplaçait maintenant la Marseillaise. Il y était encore question du roi, mais du roi sommé d’obéir au peuple[2]. Le maintien de la dynastie n’était plus qu’une formule vide. On tolérait encore la couronne à condition qu’elle sanctionnât le fait accompli.

Ainsi, à la légalité dont la Commission de sûreté s’efforçait encore de sauvegarder les apparences, s’opposait nettement l’action révolutionnaire. Vis-à-vis du roi, les avancés prenaient l’attitude qui avait été au XVIe siècle celle de Guillaume d’Orange vis-à-vis de Philippe II. Sans rompre formellement

  1. Esquisses, p. 159.
  2. Le texte primitif de la Brabançonne, chanté pour la première fois par La Feuillade au théâtre de la Monnaie le 12 septembre 1830, exprime l’espoir de
    … greffer l’Orange
    Sur l’arbre de la Liberté.

    Il s’achève pourtant par la menace de la faire « tomber » si le roi ne renonce pas à « l’arbitraire ». Après les journées de septembre, Jenneval modifia des paroles qui ne répondaient plus ni à la situation ni au sentiment public. Il acheva le premier couplet par ces mots :

    La mitraille a brisé l’Orange
    Sur l’arbre de la Liberté.

    On sait que cette seconde version de la Brabançonne est restée officielle jusqu’à son remaniement par Charles Rogier en 1860. Voy. Bullet. de l’Académie Roy. de Belgique. Classe des Beaux-Arts, 1922, p. 158 et suiv.