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JEMAPPES

Marie-Christine, l’empereur désigna comme gouverneur ce même archiduc Charles, auquel les États, pendant l’agonie de la Révolution brabançonne, avaient offert la souveraineté de la Belgique. On lui adjoignit comme ministre plénipotentiaire le comte de Metternich-Winneburg, qui jouissait de la confiance générale. Leur entrée à Bruxelles, le 26 mars, fut un triomphe. Les « capons du rivage » dételèrent le carrosse de l’archiduc et le traînèrent jusqu’au palais.

Mais ce n’était pas l’Autriche que l’on acclamait en sa personne. Depuis Joseph II, trop de rancœur et trop de défiance s’étaient accumulées entre la nation et la dynastie pour que leur réconciliation fût possible. On ne portait la cocarde noire qu’en haine de la cocarde tricolore. En criant « Vive l’Empereur », la foule entendait crier « À bas les Jacobins ». En réalité, elle ne saluait que son affranchissement et, pour contenter les Belges, il eût fallu que le gouvernement de Vienne, après les avoir délivrés de la France, se réduisît au rôle de les protéger contre elle sans se mêler de leurs affaires.

En fuyant devant Dumouriez en 1792, Marie-Christine avait cru habile de promettre le rétablissement intégral de la Joyeuse-Entrée, et cette promesse, faite pour rallier les « statistes » à l’Autriche, se retournait maintenant contre celle-ci. Les États entendaient bien s’en prévaloir pour rentrer en possession de la « souveraineté » à laquelle ils prétendaient et pour reprendre, sous l’autorité nominale de l’empereur, l’autorité effective dont ils s’étaient emparés pendant la révolution brabançonne. Et ils étaient d’autant plus arrogants que les Vonckistes, discrédités par l’adhésion qu’ils avaient apportée tout d’abord au « système français », se trouvaient incapables de leur tenir tête.

Mais comment penser que l’empereur, ayant repris possession de la Belgique, capitulerait devant les États ? Comment eût-il pu leur abandonner l’administration d’un pays qui devait lui servir de base d’opérations dans la guerre contre la France ? Décidé à céder en apparence et prêt à sacrifier son amour-propre dans les questions secondaires, il était ferme-