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FLEURUS

de plus en plus joyeux et goguenard à mesure qu’il avance à la suite des troupes, il mande de Bruxelles qu’il va lever un impôt de trois millions en numéraire qui sera versé dans les vingt-quatre heures, et qu’on pourra bien tirer de la ville douze à quinze millions. Il ramènera ainsi les riches « à l’égalité par la bourse ». Chemin faisant, il s’est emparé de quelques émigrés français, quatre capucins et trois religieuses, qu’il envoie « sur les derrières pour l’entretien de la guillotine »[1].

À mesure que l’invasion progresse, le rouleau passe sur le pays et l’écrase. Le 9 août, un impôt de 60 millions est frappé sur les « nobles, prêtres, maisons religieuses, gros propriétaires et capitalistes ». Des otages sont journellement envoyés en France, les prisons s’emplissent de détenus, des journaux sont supprimés. Les assignats seront reçus au pair des monnaies métalliques, sous peine pour les contrevenants d’être proclamés ennemis de la République et traduits devant les tribunaux révolutionnaires. En même temps, l’uniforme républicain est passé de force à la Belgique. Le port de la cocarde est obligatoire « depuis l’enfant qui commence à marcher jusqu’au vieillard »[2]. Dans chaque ville, une ou plusieurs églises sont transformées en temples de la Raison. Des troupes d’acteurs français représentent dans les théâtres des pièces républicaines ; on promulgue le calendrier républicain, on organise des fêtes de la liberté. À Gand, au mois de septembre, le carillon du beffroi ne joue plus que des airs républicains : à l’heure, la Marseillaise ; à la demi-heure, le Ça ira ; aux quarts d’heure, la Carmagnole et la Danse républicaine[3].

Le 14 août, les représentants en mission établissent les principes de l’occupation du pays. La police des places sera exercée par les commandants militaires jusqu’à ce qu’il en soit autrement décidé ; les habitants livreront leurs armes dans les vingt-quatre heures sous peine de mort ; tous ceux qui seront convaincus d’avoir tramé contre la sécurité de la République

  1. Aulard, Recueil des arrêtés du Comité de Salut Public, t. XV, p. 149.
  2. Ch. Pergameni, L’esprit public bruxellois au début du régime français, p. 154 et suiv. (Bruxelles, 1914).
  3. P. Claeys, Mémorial de la ville de Gand, p. 33 (Gand, 1902).