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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/119

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puisque celle-ci est fondée sur le cens. Or, parmi les censitaires, les fabricants, les adeptes des professions supérieures, les gens d’affaires et les gens instruits appartiennent pour la plupart à l’opinion libérale. À travers tout le pays, dans la région flamande comme dans la région wallonne, la bourgeoisie urbaine sera donc le soutien du libéralisme et lui conférera une remarquable unité. Les catholiques, de leur côté, trouvent leur appui principal parmi les électeurs des campagnes, et s’ils sont plus nombreux dans les Flandres, c’est que le nombre des paysans y surpasse le nombre des citadins. Aussi longtemps que durera le régime censitaire, ce n’est pas suivant la langue, mais suivant l’habitat que se répartiront les partis, si bien que l’un et l’autre s’étendant à tout le territoire l’imprégneront d’une activité politique remarquablement homogène. En restreignant le pays légal à une cinquantaine de milliers d’électeurs, le Congrès national, sans l’avoir voulu, a donc largement contribué à unifier le pays lui-même.

Le clergé avait apporté l’appui des masses catholiques à la révolution. La chute du gouvernement hollandais devait aussitôt le lancer dans une activité presque aussi intense que celle qu’il avait déployée lors de la restauration religieuse contemporaine d’Albert et Isabelle. De toutes parts et dans tous les domaines, l’Église met à profit les libertés que la constitution lui prodigue pour rétablir, avec son organisation, son emprise sur les âmes[1]. Les évêques s’empressent de rouvrir les séminaires fermés par les arrêtés de 1825, et d’installer à côté d’eux quantité de petits séminaires ; des missions intérieures, sur le modèle de celles qui avaient été prêchées en France durant la Restauration, sont organisées dans tous les diocèses. Les congrégations se développent à l’envi, soit qu’elles existassent déjà dans le pays, comme celles des Sœurs de Notre-Dame et des Joséphites, soit qu’elles s’y réinstallent après en avoir été expulsées par le roi Guillaume, comme celles des Frères des Écoles Chrétiennes et des Jésuites. Par elles, à tous les degrés,

  1. E. de Moreau, Histoire de l’Église catholique en Belgique, dans Histoire de la Belgique contemporaine, t. II, p. 491 et suiv. (Bruxelles, 1929).