Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/120

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l’enseignement désorganisé par la Révolution se reconstitue avec une telle rapidité et prend une telle extension qu’il semble destiné à constituer bientôt le monopole de l’Église. Dès 1840, plus de la moitié des écoles primaires lui appartiennent ; presque toute l’instruction secondaire est dispensée par ses collèges épiscopaux, par ses petits séminaires et mieux encore par les sept collèges ouverts à cette date par les Jésuites.

Au sommet de toute cette organisation trône l’Université catholique installée le 4 novembre 1834 à Malines d’abord auprès de l’archevêché, puis transportée à Louvain en 1835, où elle bénéficiera de l’éclat jeté par son illustre devancière du XVe siècle[1]. Quant aux progrès de la ferveur religieuse, il suffit de dire que, de 1829 à 1846, la population des communautés d’hommes et de femmes passe de 4,791 à 11,968 personnes. Elles fournissent leur personnel à tous les établissements charitables sans exception, orphelinats, hospices de malades ou de vieillards, asiles, dispensaires, refuges de quelque ordre ou de quelque nature que ce soit, et, en 1842, l’institution des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, établies à l’imitation de la France, fait collaborer les laïques avec les moines dans cette grande œuvre de bienfaisance. Disposant des âmes par l’enseignement et des corps par la charité, il semble donc que l’Église soit sur le point d’imprégner de son esprit la société tout entière. Le régime moderne de la liberté lui permet de se développer avec une vigueur et une énergie qu’elle n’a jamais connues aux époques où l’État confessionnel lui accordait sa protection, mais la soumettait en revanche à sa tutelle. En face d’elle le pouvoir civil non seulement est aujourd’hui désarmé, mais par surcroît s’est chargé de l’obligation constitutionnelle de remplacer par des traitements les revenus que les biens ecclésiastiques confisqués par la Révolution française fournissaient jadis au clergé.

Ce n’est point à cela que s’étaient attendus les libéraux.

  1. Dietrichstein, le ministre autrichien à Bruxelles, dit que la fondation de cette université « mettra la dernière main à l’édifice de la domination du clergé, l’enseignement primaire, moyen et supérieur lui étant désormais presque exclusivement assuré ». Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 1928, p. 287.