Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/121

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Manifestement entre eux et l’Église la concurrence n’est pas égale. Car, s’ils jouissent comme elle de la liberté, ils n’en peuvent faire le même usage, ne possédant ni ses ressources, ni son organisation, ni son ascendant sur les masses. Sans doute, ils ne peuvent songer et ils ne songent point à restreindre son activité. Mais ils entendent qu’à côté d’elle, les pouvoirs publics, sans la combattre d’ailleurs, l’empêchent de monopoliser au détriment de la liberté de conscience, tous les services et en premier lieu celui de l’enseignement qu’elle est en train d’accaparer. Dès 1834, en face de l’Université libre et catholique de Louvain, ils ont fondé l’Université libre et libérale de Bruxelles, libérale en ce sens que, réprouvant tout confessionnalisme, elle adopte pour principe le libre examen. Des subventions du Conseil communal de Bruxelles pourvoyent aux besoins de ce grand établissement, mais il est évident que pour organiser à côté de lui un enseignement primaire et un enseignement moyen affranchis de l’influence du clergé, l’intervention de l’État est indispensable. Or, suivant les catholiques, l’État n’a pas le droit d’enseigner, car son enseignement, nécessairement neutre puisqu’il est nécessairement étranger à la religion et par conséquent indifférent à son égard, ne peut être que dangereux pour la foi. S’il est loisible aux communes d’imiter l’exemple de la ville de Gand, et d’ouvrir, comme elle l’a fait en 1832, des athénées d’où l’instruction religieuse est absente comme ne relevant que de la volonté des pères de famille[1], il n’est pas admissible que la nation institue, aux frais de la majorité catholique, des écoles que seuls fréquenteront les enfants de la minorité libérale.

Pourtant, la situation de l’enseignement primaire est déplorable,[2] et sur cette brûlante question, bien avant 1839, la

  1. Règlements communaux de la ville de Gand, t. III, p. 471 : « Tout ce qui concerne l’enseignement de la religion reste étranger à l’Athénée et regarde les parents ».
  2. Ed. Ducpétiaux, De l’état de l’Instruction primaire et populaire en Belgique (Bruxelles, 2 vol., 1838). Il montre qu’en fait la liberté, dans ce domaine, a conduit à l’anarchie. Beaucoup de communes, par économie, ont renoncé à leur école. Le plus souvent les instituteurs nommés par les pères de famille