Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourgeois radicaux pour qui l’œuvre de la Révolution demeure incomplète aussi longtemps qu’elle n’aura pas ajouté l’affranchissement économique des masses à leur affranchissement politique. La plupart d’entre eux, comme Castiau, ne voient de remèdes que dans l’adoption de réformes démocratiques : extension du droit de suffrage par l’abaissement du cens jusqu’au minimum admis par la constitution, abolition du remplacement militaire, remaniement du système des impôts et adoption d’un impôt direct sur le revenu, suppression des droits d’entrée sur les denrées alimentaires, exclusion des fonctionnaires du Parlement, etc.[1]. Chez quelques-uns, ces revendications, évidemment inspirées de celles que formulent en France les adversaires du gouvernement, se mêlent à des tendances républicaines d’ailleurs assez vagues et théoriques. Au fond, ces démocrates demeurent strictement constitutionnels et n’attendent l’amélioration du sort des classes ouvrières que de la légalité.

Plus hardis enfin, un petit nombre vont jusqu’à mettre en question les bases mêmes de l’organisation capitaliste. S’ils ne se disent pas et si probablement dans leur ensemble, ils ne se croient pas socialistes, tout au moins sont-ils socialisants. Gagnés aux théories saint-simoniennes ou phalanstériennes, leurs idées se sont renforcées de leur fréquentation avec les révolutionnaires de tous pays qui ont cherché refuge à Bruxelles, Italiens, comme Arconati et Arrivabene, Polonais comme Lelewel, Allemands surtout comme Karl Marx, qui expulsé de France par Guizot en 1845, a été rejoint dans son exil par Engels et par quelques adeptes[2]. Le Deutscher Arbeiter-Verein, fondé par ces Allemands en 1847, au cabaret du Cygne sur la Grand’Place, s’il ne semble avoir exercé aucune action sur le peuple, a certainement influencé les bourgeois radicaux admis à ses séances, les Lucien Jottrand, les Charles-Louis Speelthoorn, les Alexandre et Félix Delhasse, les Mellinet, les Defré et quelques autres.

  1. Voy. Hymans, Histoire parlementaire, t. II, p. 349.
  2. Th. Basyn, Karl Marx à Bruxelles. (Revue Générale, 1927).