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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/32

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mait en ce moment la propagande bonapartiste[1]. Les industriels, en revanche, préféraient Nemours, espérant que son élection faciliterait l’établissement d’un régime douanier qui rouvrirait à leurs produits l’énorme marché de la France. Les uns et les autres prônaient au surplus leur candidat comme le meilleur bouclier de l’indépendance. Nemours, disaient ceux-ci, fournira trop facilement à Louis-Philippe l’occasion de mettre la main sur la Belgique[2]. Leuchtenberg, répliquaient ceux-là, ce sera la rupture avec le cabinet de Paris et la perte du seul allié qui puisse sauver le pays d’une intervention de l’Europe.

La divergence des tendances s’exaspérait peu à peu sous la pression de l’étranger. Unanimement les Puissances s’opposaient à ce que les Belges se donnassent pour roi un des princes qu’ils se préparaient à élire. Suggérés par les intrigues de Paris, ils étaient rejetés par tous les gouvernements. La Conférence n’entendait voir régner à Bruxelles ni un bonapartiste, ni moins encore un fils du roi des Français. Elle ne voulait ni d’un renouveau des ambitions napoléoniennes, ni d’un protectorat de Louis-Philippe sur la Belgique. Par nécessité, celui-ci s’associait à ses desseins. Il envisageait avec horreur l’élection

  1. Il était le fils aîné d’Eugène de Beauharnais et d’Amélie, fille du roi de Bavière, qui, à la mort de Napoléon Ier, l’avait fait duc de Leuchtenberg. Il servait dans l’armée bavaroise. D’après Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de juillet, t. I, p. 175, son nom aurait été mis en avant par le duc de Bassano. Il mourut en 1835, quelques jours après avoir épousé la reine de Portugal.
  2. Une lettre de Wallez à de Celles (de Guichen, La Révolution de 1830, p. 302) exprime bien les sentiments de ceux que l’on appelait les Nemouriens : « Tout autre arrangement nous ramène les Nassau, et ceux qui spéculent sur nos divisions intestines pour nous jeter dans les bras de la France moyennant une réunion sans aucun pacte, seront déçus dans leur espoir. La nation ne veut pas de cette fusion qui, entre autres fléaux, nous ferait tomber des nues de sauterelles d’Égypte sous forme de fonctionnaires et d’employés, le rebut des tribunaux de Paris, plus un système intolérable de centralisation, d’entraves politiques et religieuses, en un mot les vexations et les avanies hollandaises par une nation plus puissante ». Il faut remarquer cependant, qu’en deux points du pays, autour de Verviers et de Mons, des industriels, par espoir de se procurer le marché français, firent pétitionner en janvier pour une réunion à la France. Voy. Huyttens, Discussions, t. II, pp. 27, 66, 70, 80, 102, 131, 145, 182.