Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/43

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ministère. Un nouveau cabinet arrivait au pouvoir, sous la présidence effective de Joseph Lebeau.

Ce jeune avocat libéral et franc-maçon, envoyé au Congrès par ses compatriotes de Huy, s’était laissé tout d’abord griser par l’enthousiasme révolutionnaire de ses collègues. Mais l’ardeur patriotique s’alliait chez lui à une intelligence lucide. Il n’avait pas tardé à comprendre que l’indépendance de la Belgique était irréalisable sans le consentement de l’Europe. Avec un tact politique qui fait de lui l’homme d’État de la Révolution, il avait reconnu que ce n’était pas à Paris, mais à Londres que reposait le sort du pays, et qu’un souverain ne pouvait être reconnu sans l’assentiment de l’Angleterre. Le rapprochement du cabinet de Casimir Périer avec celui de Lord Grey facilitait l’exécution de ses projets, et il en était de même du revirement de Lord Ponsonby qui, désabusé de ses chimères par l’échec du complot orangiste, se montrait maintenant disposé à agir de concert avec Belliard. Peut-être le nom du prince Léopold de Saxe-Cobourg lui fut-il suggéré par eux. En tout cas il n’hésita pas à voir que là était le salut. Adopter ce nom, c’était en effet rassurer les Puissances sur les velléités d’union avec la France qu’elles attribuaient à la Belgique, c’était gagner leur confiance en leur montrant que « la révolution n’était ni française, ni anglaise, ni allemande, mais belge, et qu’elle n’avait pas secoué la suprématie de la Hollande pour accepter celle d’un autre peuple ». Dès ses débuts, Lebeau déclarait nettement que le pays ne voulait que son autonomie et qu’il ne songerait à s’unir à la France que s’il était réduit à choisir entre la France et la Hollande, Il allait jusqu’à dire que son ministère était anti-français, non sans doute qu’il fût hostile à la France « que nous aimons tous », mais parce que « voué au principe de l’indépendance nationale »[1].

Or celle-ci paraissait gravement compromise. L’obstination des Belges à résister aux décisions de la Conférence et leur incapacité à sortir de l’anarchie, faisaient revenir sur l’eau les projets de partage auxquels on avait déjà songé à Paris quel-

  1. E. de Guichen, La révolution de 1830, p. 373.