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ques mois plus tôt. Sans doute le gouvernement français ne les soutenait pas, mais il ne les combattait pas non plus. Il semble bien que, sans l’opposition de l’Angleterre, il se fût entendu avec la Prusse et la Hollande. Talleyrand se laissait aller à confesser « qu’il était impossible que les Belges constituent une nation et qu’en travaillant à leur indépendance, il faisait une œuvre de circonstances destinée à disparaître avec elles »[1].

Il était donc grand temps de se presser si l’on voulait enfin avoir un roi. Mais l’humiliante expérience de l’élection de Nemours imposait la prudence. Il n’était plus question de donner la couronne sans savoir si elle serait acceptée. Le 22 avril, une députation arrivait à Marlborough House pour pressentir Léopold sur ses intentions. Lebeau se flattait d’obtenir sans peine son assentiment. Mais on avait affaire cette fois à un esprit réaliste, à un politique plein de prudence, à un prince enfin qui venait de refuser le trône de Grèce. Comment espérer qu’il acceptât celui de Belgique sans être assuré du consentement de l’Europe et surtout de celui de l’Angleterre à laquelle il devait tout ? Il savait que le 17 avril, la Conférence venait de déclarer de nouveau que les bases de séparation rejetées par les Belges étaient des « arrangements fondamentaux et irrévocables ». C’était dire qu’elle ne tolérerait qu’un roi qui les admît. Dans ces conditions les pourparlers ne pouvaient aboutir. Léopold et la députation se trouvaient, comme disait Palmerston, at a dead lock.

Cependant le Congrès demeurait buté dans la résistance. Ponsonby n’osait lui communiquer l’ultimatum du 10 mai par lequel la Conférence sommait les Belges d’accepter les bases de séparation sous peine de la voir bloquer l’Escaut et accorder son appui au roi de Hollande. Complètement revenu de ses sympathies orangistes, il travaillait maintenant pour Léopold et s’associait à la politique de Lebeau. Il suggérait à

  1. Sur ces projets de partage, dont aucun ne prit naturellement une forme officielle, voy. Delannoy, op. cit., p. 162 et suiv. Cf. Gedenkstukken, loc cit., t. II, p. 462. Voy. aussi H. L. Bulwer, Life of Palmerston, t. II, 2e édit. (Londres, 1870), p. 69.