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à la France le prestige d’avoir victorieusement défendu la neutralité belge, qui cessait d’apparaître ainsi comme tournée contre elle. La réorganisation militaire du jeune royaume se fit aussi à son avantage. Ce furent des officiers français qui l’accomplirent et dont beaucoup, au grand dépit de Palmerston, restèrent au service de la Belgique.

Si les événements du mois d’août avaient profité à la France, ils avaient en revanche discrédité la Belgique aux yeux du monde. À la Conférence de Londres, on ne se faisait pas faute de traiter les Belges de couards et Léopold d’incapable[1]. Palmerston s’inquiétait du danger de laisser au pouvoir de ces vaincus, au cas d’une guerre contre la France, des forteresses aussi importantes que Maestricht et Luxembourg. Ainsi l’Angleterre elle-même ne voulait plus des XVIII articles qu’elle avait tant contribué à faire adopter. « Ils ont péri, disait Lebeau, dans les plaines de Louvain »[2]. Le roi de Prusse, l’empereur d’Autriche et surtout le tsar à qui l’écrasement de la révolution polonaise laissait les mains libres, travaillaient ouvertement en faveur de Guillaume. Seul Louis-Philippe soutenait encore la cause des Belges. On en arriva à se mettre d’accord le 14 octobre, sur vingt-quatre articles que la Conférence, une fois de plus, et cette fois pour s’y tenir, déclara « décisions finales et irrévocables ».

Ils accordaient à la Belgique la partie wallonne du Luxembourg y compris les environs d’Arlon, la partie allemande devant revenir au roi de Hollande qui la posséderait à titre de grand-duc et de membre de la Confédération germanique. En compensation des territoires luxembourgeois qu’il perdait, il recevait Maestricht plus toute la portion du Limbourg située sur la rive droite de la Meuse, ainsi que Ruremonde et Venloo. Des stipulations réglaient l’écoulement des eaux belges à tra-

  1. Bulwer, loc. cit., p. 101. D’après la lettre de Palmerston qu’il publie, Talleyrand aurait profité de la déroute des Belges pour les déclarer incapables de maintenir leur indépendance et indiquer que la meilleure solution serait le partage de leur pays entre la France, la Prusse et la Hollande et l’érection d’Anvers en port franc.
  2. L. Hymans, Histoire parlementaire de la Belgique, t. I, p. 487.