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du représentant qui lui arriva de Vienne, le comte de Dietrichstein, fougueux conservateur, aristocrate insolent, qui se permettait de faire des scènes aux ministres et au roi lui-même, s’abstenait avec ostentation de paraître à la célébration des fêtes nationales et pactisait publiquement avec les Orangistes[1].

Si gênant qu’il fût, ce mauvais vouloir n’était pas dangereux. Sauf le roi de Hollande, tout le monde redoutait trop la guerre pour qu’il en pût être question autrement qu’en paroles. Et il n’y avait pas plus de chances de la voir éclater à l’intérieur du pays que sur les frontières. Les subventions versées aux Orangistes l’étaient en pure perte. Leur impopularité s’attestait en 1834 par la brutale réaction que le peuple de Bruxelles opposait à leurs menées.

Guillaume finit par comprendre qu’il se leurrait en comptant sur l’anarchie ou sur une conflagration européenne pour lui rendre la Belgique. Les dépenses militaires que son expectative obstinée imposaient à la Hollande lui valaient une impopularité croissante. La menace des États-Généraux de refuser le budget l’eût couvert d’une telle confusion qu’il se décida brusquement à franchir le pas. Le 11 mars 1838, il faisait connaître à Londres son intention de signer le traité des XXIV articles.

Cette déclaration inattendue et à laquelle pourtant ils auraient dû s’attendre, plongea les Belges dans une stupeur qui tourna tout de suite à l’indignation. En cédant à l’Europe, Guillaume faisait de nouveau de l’Europe l’arbitre de leur sort. Ce qui était pour lui une cruelle humiliation était pour eux un déchirement bien plus cruel encore. Ils s’étaient si bien accoutumés au provisoire qu’ils le considéraient comme définitif. La perspective de se séparer des Luxembourgeois et des Limbourgeois, qui s’étaient soulevés comme eux, avaient siégé comme eux au Congrès, avaient fait avec eux la constitution, étaient représentés au même titre qu’eux dans les Chambres, dans

  1. A. De Ridder, Les débuts de la légation d’Autriche à Bruxelles. Lettres du comte de Dietrichstein, 1833-1834. (Bulletin de la Commission Royale d’histoire, 1928).