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de garantir les prévenus contre toute intervention gouvernementale. Par elle, la justice a reçu en Belgique le caractère qu’elle y a conservé jusqu’à nos jours, d’un « pouvoir » entièrement affranchi de l’administration générale et de l’ingérence de l’État. La conviction que la liberté individuelle des citoyens était à ce prix, a fait repousser par la Chambre des Représentants, l’institution d’un Conseil d’État proposée par le Sénat. Les dernières traces des entraves imposées à l’indépendance des juges par le régime napoléonien, et conservées après lui par le régime hollandais, ont disparu à ce point qu’on a pu dire que « la balance des pouvoirs qui, en France, penche du côté de l’administration, penche en Belgique, du côté de la justice »[1].

Le problème des rapports de l’État avec les communes, occupa le Parlement durant trois ans, avant de recevoir enfin, par la loi communale du 30 mars 1836, une solution transactionnelle. De tous les souvenirs du passé, le seul vivant parmi les Belges était celui de l’autonomie dont leurs villes avaient donné jadis des manifestations si nombreuses et souvent si héroïques. La Révolution en avait encore ravivé la force et fait apparaître leurs insurrections particularistes comme autant de luttes sacrées entre le despotisme et la liberté. Durant les années de l’annexion française, ce que l’on avait supporté avec plus de répugnance peut-être que la conscription, ç’avait été la centralisation administrative imposée aux autorités locales. Le régime hollandais avait marqué, en quelque mesure, un retour à la tradition nationale et accordé, tout au moins aux villes, le droit de s’administrer sous la tutelle de l’État. Leurs « régences » cependant, élues par un système compliqué de vote à degrés multiples, recrutées exclusivement dans la haute bourgeoisie et obligées de délibérer à huis-clos[2], appelaient une réforme fondamentale. Conformément à l’esprit de la constitution, la loi leur substitua des Conseils communaux nommés par l’élection directe des citoyens payant, suivant la localité, un cens de 5 à 100 francs ; le contrôle du corps électoral sur ses mandataires

  1. P. Errera, Traité de droit administratif belge, p. 221. (Bruxelles, 1909).
  2. Histoire de Belgique, t. VI, p. 275.