Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/500

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et aux Musulmans ! La Paix de Crespy, après des campagnes indécises (1544) laissa les choses dans le statu quo. Elle permit du moins à l’empereur de se porter enfin contre les princes protestants d’Allemagne. Sa victoire de Muhlberg ne manqua pas de les jeter épouvantés dans les bras de la France. Pour se procurer le secours du successeur de François Ier, Henri II, qui chez lui poursuivait cruellement les hérétiques, ils lui offrirent les trois évêchés, Metz, Toul et Verdun, (1552). C’était amener enfin la politique française à l’un dés buts qu’elle visait dans la patiente campagne menée par elle depuis le xiiie siècle afin de redresser la frontière tracée en 843 par le Traité de Verdun. Charles dut aussitôt faire face à l’ouest et se détourner des protestants. Tous ses efforts échouèrent devant Metz obstinément défendu par le duc de Guise. Avant d’abdiquer, il conclut avec son adversaire la Trêve de Vaucelles (1556).

Il laissait l’Europe dans l’état le plus menaçant et grosse de guerres inévitables. La succession qu’il transmettait à son fils Philippe II comprenait outre l’Espagne, le royaume de Naples, le Milanais, la Franche-Comté de Bourgogne et les Pays-Bas, sans parler des immenses possessions du Nouveau Monde. L’Italie, subjuguée au sud et au nord, voyait s’évanouir les rêves d’affranchissement qui avaient inspiré les génies si différents de Guichardin, de Machiavel, de Jules II et de Clément VII. Elle ne devait plus être, jusqu’aux Temps Modernes, qu’une expression géographique et la lourde domination espagnole allait achever d’y écraser ce qui y subsistait encore de la civilisation de la Renaissance. Les États du pape et ceux de la république de Venise y conservaient seuls une indépendance que garantissait aux premiers la tradition catholique et que la seconde devait à sa situation maritime. Quant aux Pays-Bas, agrandis par l’annexion définitive du duché de Gueldre et des provinces frisonnes, ils allaient désormais constituer au nord une « citadelle d’acier » aux rois d’Espagne. Par la pragmatique sanction (1549) Charles avait eu soin d’y régler le droit successoral de manière qu’ils ne pussent échapper à ses descendants et, en les constituant par la convention d’Augsbourg (1548) en cercle de Bourgogne, il avait réglé leurs rapports avec l’Empire de telle sorte que celui-ci n’avait plus en réalité d’autre droit sur eux que celui de les défendre. La dignité impériale ne lui avait servi qu’à assurer l’avenir de sa maison. Il n’avait pas seulement enlevé les Pays-Bas à l’Allemagne, il avait même fait obtenir à son frère Ferdinand, en 1531, la couronne de roi des Romains, et lui avait cédé les duchés