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patrimoniaux d’Autriche qui, s’ajoutant à la possession des couronnes de Bohèmes et de Hongrie échues à Ferdinand en 1526, garantissaient définitivement au centre de l’Europe la puissance habsbourgeoise. Divisée en deux branches, la famille n’en devait pas moins rester unies par l’intérêt dynastique. Par l’Italie, l’Espagne correspondait avec l’Autriche ; par les Pays-Bas, elle lui permettait de dominer plus facilement l’Allemagne, et, grâce aux services qu’elle pouvait lui rendre, elle était assurée à l’avance de sa docilité.

Ainsi le continent était écrasé par le colosse habsbourgeois campé sur l’Autriche et sur l’Espagne. A côté de lui, la France et l’Angleterre paraissaient bien faibles et bien menacées. Mais, c’était David devant Goliath. Elles avaient ce qui manquait à la monstrueuse puissance dynastique qui les affrontait. Au lieu d’être comme elle une juxtaposition de peuples et de pays agglomérés les uns aux autres par le hasard des héritages, que rien, sauf les droits de propriété des souverains, n’unissait entre eux, elles possédaient cette conscience collective que donne la communauté des destinées, la constance des efforts, l’harmonie de la politique des rois avec les tendances nationales. C’est de là que venait leur force et c’est là ce qui leur permit non seulement d’échapper au péril, mais d’en triompher, à travers des péripéties auxquelles la question religieuse déchaînée par la Réforme, allait donner le poignant intérêt des luttes pour la foi.

II. — La politique interne

Ce qui frappe tout d’abord si l’on jette un coup d’œil d’ensemble sur la constitution des États européens de 1540 à 1560, c’est l’augmentation du pouvoir monarchique. Avec Louis XI en France, avec Henri VII en Angleterre, avec Ferdinand et Isabelle en Espagne, il atteint à une force et à un prestige qu’il n’a jamais possédé auparavant, et qui se développera encore sous leurs successeurs. En Hongrie, sous Mathias Corvin, en Suède sous Gustave Waza, il réalise de tels progrès que toute l’organisation politique en est transformée. Il s’impose au jeune État bourguignon sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire. Il n’est pas jusqu’à l’Allemagne qui ne s’en ressente. Car si les rois des Romains et les empereurs y demeurent réduits à une autorité nominale, les princes particuliers, dans leurs territoires, y prennent de plus en plus l’appa-