Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/153

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qui restait de prestige au pouvoir, au milieu de cette guerre civile que, après son fils Conrad, son fils Henri V dirigea contre lui et qui enfin l’obligea à mourir, lui aussi, en exil à Liège, en 1106, où l’évêque Otbert, un de ses derniers fidèles, veilla sur les derniers jours de sa tragique carrière. Mais sa mort ne tranchait pas la question des investitures qui avait provoqué le conflit. Henri V ne prétendit plus disposer de la tiare et ne s’enhardit plus à nommer d’antipapes. On en revenait à la discussion d’une question précise qui, le pape étant reconnu maintenant par l’empereur comme chef de l’Église, — et comment aurait-il pu en être autrement à l’époque des Croisades — trouva enfin sa solution dans le premier de ces concordats que la papauté conclut avec une puissance laïque, le Concordat de Worms en 1122. L’empereur renonçait à l’investiture par la crosse et l’anneau et acceptait la liberté des élections ecclésiastiques. En Allemagne, l’élu recevrait par le sceptre l’investiture de ses fiefs (régales) avant d’être consacré, dans les autres parties de l’Empire (Italie et Bourgogne), après la consécration. On distinguait donc dans l’évêque le pouvoir spirituel, à propos duquel l’empereur renonçait à intervenir, et le pouvoir temporel qu’il continuait à conférer, mais qu’il ne pouvait refuser sans conflit. Quant aux élections des évêques par les chapitres, ce devaient être les princes voisins et non l’empereur qui allaient peser sur elles. En réalité, l’Église impériale s’écroulait. Il ne restait qu’une église féodale. L’Empire en pâtissait. La papauté y gagnait en prestige, mais elle n’améliorait pas, bien au contraire, la discipline ecclésiastique. Chaque élection allait devenir une lutte d’influence et s’il n’y avait plus simonie du fait de l’empereur, il y avait pression et intimidation par les grands. La vraie solution aurait été celle de Pascal II, les évêques abandonnant leurs fiefs ; mais l’empereur n’en avait pas voulu, car cette immense fortune foncière de l’Église aurait passé aux princes. En somme, la querelle des investitures aboutissait au triomphe de la féodalité sur l’Église. C’en est fait de ces évêques de l’Empire savants et instruits, des Notger, des Wazon, des Bernhard de Worms. Sortant des chapitres où dominent les cadets de noblesse, ils sont maintenant tout féodaux et ce qui domine chez eux, c’est le temporel. L’Église, en voulant débarrasser le clergé de l’emprise laïque, l’y a plus subordonné que jamais.